le 28 novembre 2014
By: Jason McNaught
Avant la construction de l’aéroport international d’Halifax au début des années 1960, le choix du site a provoqué tout un « brouhaha ». Les résidents de cette petite province maritime passent plus de 100 jours par année enfouis sous une nappe de brouillard épais.
Enfin ils ne sont pas réellement enfouis ; on pourrait plutôt dire que les Néo-Écossais pataugent régulièrement dans le brouillard pour essayer de se frayer un chemin vers le bureau. Sur la route, ils s’efforcent, les yeux plissés, à voir les lignes peintes au centre de la route et, sur le terrain du golf, ils maudissent ce brouillard qui leur cache régulièrement leurs balles.
Ceci étant dit, on peut facilement comprendre pourquoi cela pourrait être problématique pour un aéroport. Il est tout à fait compréhensible qu’un pilote, responsable de tous ses passagers, soit un peu craintif lors d’une descente à l’aveuglette. Ainsi, à la suite d’une étude approfondie, il a été décidé de construire l’aéroport d’Halifax à environ une demi-heure de la ville dans un site idyllique en pleine nature tout près de la banlieue-dortoir d’Enfield. Il s’agit notamment d’une région boisée résistante aux pires brouillards nord-atlantiques soit par les secrets cachés de sa géographie, ses pouvoirs mystiques, ou une combinaison des deux.
Chaque semaine, Jose Martins quitte la maison, saute dans sa voiture, met les nouvelles à la radio et fait 30 minutes de route sur la 102 pour se rendre à l’aéroport où il travaille comme patrouilleur de Commissionnaires. À l’instar de la plupart des Haligoniens de souche, Martins vous dirait que le chemin vers l’aéroport est tout aussi enseveli par le brouillard que n’importe quel autre endroit en Nouvelle-Écosse. Toutefois, le 10 août, il pouvait voir jusqu’à l’autre côté du Lac Millar et même les maisons modestes sises ici et là le long de la rive opposée.
Au moment où Martins échangeait sa voiture contre la Ford Ranger bleue et blanche de Commissionnaires, le mercure avait atteint 16 degrés. Il se préparait à faire son parcours le long de la clôture de sécurité de la piste principale avec « l’homme-oiseau » – un expert spécialement formé dans la gestion de la faune sur les pistes.
À elle seule, cette clôture de 3 mètres de hauteur est une structure imposante. L’on y trouve trois rangées de fils barbelés sur le dessus et elle s’étend tout le tour du périmètre de l’aéroport. Hormis les bêtes volantes, la clôture s’avère plutôt efficace pour empêcher l’entrée des rongeurs curieux, des chevreuils courageux et, de temps en temps, des castors de la forêt mixte adjacente qui décident de s’aventurer sur le terrain de l’aéroport.
Martins a donc dû être assez surpris d’avoir été avisé par le centre des opérations de l’aéroport d’une atteinte à la sécurité vers 8 heures 30. Depuis la construction de l’aéroport international d’Halifax – il y a plus d’un demi-siècle – personne n’a jamais essayé de passer par-dessus cette clôture !
« Une dame s’était rendue en voiture près de l’extérieur d’une des barrières de sécurité, également couvertes de fils barbelés, et s’est mise à escalader la clôture pour aboutir en fin de compte sur le côté piste de l’aéroport. Ce qui est bien entendu illégal, a précisé Martins. Elle s’est ensuite élancée en courant vers la piste. Un avion était sur le point d’atterrir, mais cela ne l’a pas empêché de poursuivre sa course effrénée en criant et en agitant les bras par-dessus la tête pour prévenir toute possibilité de décollage. »
Dès qu’il a reçu l’appel de la tour de contrôle, Martins, accompagné de l’homme-oiseau, n’a pas tardé à intervenir. Étant un ancien militaire avec à son actif des déploiements au Chypre, en Égypte, sur le Plateau du Golan et en Bosnie, Martins ne s’énerve pas lorsque la tension monte de plusieurs crans.
« Ma formation dans l’infanterie et mon expérience sur le terrain m’ont bien préparé pour réagir, être prêt à tout et penser dans le feu de l’action », a-t-il ajouté.
En s’approchant de la dame avec les gyrophares actionnés, Martins a vite constaté qu’elle était complètement désemparée. Ses vêtements étaient déchirés et elle s’était lacéré le visage sur le fil barbelé. Il est sorti prudemment de son véhicule pour lui demander si elle avait besoin de soins médicaux.
« Elle essayait de rattraper son mari qui s’envolait à Calgary pour voir sa maîtresse, a-t-il appris en parlant avec elle. Sauf que tout ce qu’elle a réussi à faire était de nuire aux avions en phase d’atterrissage. »
Conscients de l’importance d’évacuer la dame de la piste le plus vite possible, Martins et son partenaire ont pris la situation en main. Ils l’ont accompagnée jusqu’au camion pour la livrer entre les mains de la GRC afin qu’ils puissent commencer leur enquête.
En fin de compte, le mari de la dame ne s’est pas envolé ce jour-là ; en fait, il n’était même pas près de l’aéroport.
Bien que ses activités de patrouilleur soient rarement si effrénées, il aime bien son travail de commissionnaire. « Je suis toujours occupé. Que je sois dans mon camion en patrouille du côté ville et côté piste ou que je sois en patrouille à pied à l’intérieur de l’aérogare, je suis toujours en mouvement. »
C’est une bonne chose, parce que Martins n’est pas particulièrement douée pour l’inaction. Ce vétéran des Forces armées canadiennes âgé de 55 ans est un champion national du squash et du biathlon, un cycliste de niveau national et un alpiniste. En 1994, il a atteint le sommet du mont McKinley, le mont le plus élevé en Amérique du Nord.
Poursuivre une carrière avec Commissionnaires était une progression logique pour cet ancien soldat du 1er Bataillon, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry. « J’approchais l’âge de la retraite, mais je n’étais pas prêt à tout abandonner d’un coup. »
Martins s’est enrôlé dans les FAC en 1980. Ayant passé la majeure partie de sa carrière dans l’infanterie, il s’est reclassé par la suite comme instructeur de l’éducation physique et des loisirs à Chlliwack en Colombie-Britannique. Lors de sa retraite en 2013, Martins était prêt à relever un nouveau défi.
« J’avais encore beaucoup à contribuer et tant de choses que je voulais réaliser. Quelques-uns de mes copains ont mentionné que Commissionnaires était un organisme voué à engager les anciens combattants et m’ont encouragé à y penser. Je me suis donc rendu à la rue Hollis [à Halifax] pour m’adresser à l’équipe de recrutement. Ils ont fini par me persuader que je devrais m’essayer et c’est ce que j’ai fait, a-t-il expliqué tout naturellement. Je n’ai aucun regret. J’aime beaucoup mon travail. »
Martins estime également que son emploi chez Commissionnaires conjugué au soutien de sa femme Kathryn a facilité la transition parfois difficile de la vie de soldat à la vie civile. Lorsqu’on lui demande ce qu’il pense de la vie à l’extérieur du milieu militaire, il répond que « c’est un peu différent ». « Il n’est pas toujours évident de s’y habituer lorsqu’on est accoutumé à porter une arme et à vivre dans un environnement hostile. »
« Une des choses qui aide énormément lorsqu’on commence à travailler pour le Corps de Commissionnaires est qu’on est entouré de gens qui ont servi dans toutes les branches des Forces armées, a-t-il ajouté. D’emblée, on trouve des points communs avec nos nouveaux collègues. »
Martins fait partie d’une équipe de plus de 20 000 Commissionnaires dont plusieurs sont des anciens combattants. Et ce n’est pas pour rien. Il importe peu qu’il y ait une atteinte à la sécurité par année à l’aéroport international d’Halifax, une par décennie ou que cela ne se produise jamais. Ce qui importe est d’être prêt et d’avoir les compétences nécessaires pour bien gérer la situation lorsqu’elle survient.
L’événement du 10 août aurait pu tourner en tragédie pour cette dame qui a grimpé la clôture pour se rendre à la piste principale. Néanmoins, grâce à la formation et au professionnalisme de vétérans des Forces armées canadiennes comme Martins et tant d’autres, une mauvaise situation s’est heureusement bien terminée.