le 6 juin 2013
Canadian Security magazine – Vawn Himmelsbach: janvier/février 2013
La fourniture de services de garde a toujours été un secteur exigeant qui pose des défis énormes, allant du recrutement et de la rétention d’agents en passant par l’intégration des innovations technologiques. L’incident du mois de juin dernier, lorsqu’un agent de sécurité de la société G4S a tué trois de ses collègues et en a blessé un autre lors d’une tentative de vol à l’Université de l’Alberta, a eu pour effet d’attirer l’attention sur quelques-uns de ces défis.
Notons a priori le recrutement de candidats convenables et, bien entendu, les moyens de les conserver. Paul Guindon, chef de direction de Commissionnaires Ottawa, précise en outre que les intervenants du secteur sont également affrontés à des défis régionaux, citant comme exemple le nord de l’Alberta où il y a une forte demande pour toutes sortes d’emplois. « Il est plus difficile de trouver des agents de sécurité, mais c’est également un défi de les payer », a-t-il précisé.
Les efforts de recrutement sont compliqués par le fait que le niveau de demande est souvent cyclique. Il y a également la question du roulement normal de l’effectif. Globalement, on estime que le taux de roulement de l’industrie est de l’ordre de 40 à 80 pour cent. « Le taux de roulement est plus faible en Ontario et tourne autour des 11 pour cent, a ajouté M. Guindon. Néanmoins, nous recrutons à longueur d’année afin de maintenir un effectif complet. »
L’industrie pourrait améliorer la situation en augmentant la moyenne des salaires des agents de sécurité et en offrant des avantages sociaux comme l’assurance maladie, les vacances et les régimes de pension. « Il n’est pas réaliste de croire qu’on puisse améliorer notre position si notre secteur est perçu comme une industrie “à faible salaire” », a-t-il précisé.
Par ailleurs, les entreprises doivent nécessairement tenir compte des clients. « Les compagnies qui ne veulent rien d’autre que le plus bas prix possible exacerbent la situation, a ajouté M. Guindon. Si les clients ajoutaient un salaire minimum et quelques avantages sociaux à leurs demandes de propositions, on verrait une diminution du taux de roulement, ainsi qu’une réduction des coûts de formation et des interruptions. »
Les entreprises de sécurité dans les provinces qui ont des lois exigeant un minimum de qualifications n’ont d’autre choix que de s’améliorer, a expliqué M. Guindon. Par exemple, en Ontario, une personne qui souhaite obtenir un permis d’agent de sécurité doit se soumettre à une vérification des antécédents criminels, malgré que ce n’est qu’une vérification réalisée à partir du nom et de la date de naissance et non des empreintes digitales.
« C’est mieux que rien, mais ce n’est pas une vérification complète des antécédents criminels, a précisé M. Guindon. De plus, tous nos employés doivent obtenir une cote de sécurité pouvant aller jusqu’au niveau trois, c’est-à-dire “très secret”, et, étant donné que certains de nos employés travaillent avec de l’argent, nous exigeons parfois des vérifications de crédit. » Il précise cependant qu’il n’y a pas de norme industrielle et que les clients ont un rôle important à jouer.
« Nous déplorons ce qui est arrivé à Edmonton, a affirmé Jean-Pierre Taillon, président de Solutions de Sécurité G4S Canada, au sujet de la fusillade du mois de juin. Toutefois, il aurait été quasi impossible d’identifier ce danger potentiel au moment de l’embauche. »
Depuis l’incident, l’entreprise a revu tous ses processus et continue à faire des vérifications des antécédents, des contrôles médicaux et des vérifications de crédit. Les superviseurs font également une « tournée d’inspection » chaque matin afin de s’assurer que les agents de sécurité en poste sont en mesure de faire leur travail. L’entreprise a également instauré une ligne de signalement anonyme afin d’aider les agents qui ne sont pas à l’aise avec leurs partenaires.
« Il est de plus en plus difficile de trouver des travailleurs qualifiés pour le travail de sécurité, surtout dans les grandes villes, a précisé M. Taillon. Le problème est encore plus prononcé dans l’Ouest, notamment en Alberta et en Saskatchewan. » Bien que les lois en vigueur aient pour effet de rehausser la qualité de l’effectif, elles ont également contribué à la création d’une pénurie.
Travaillant en collaboration avec une agence d’emploi, G4S étudie différentes pistes pour la formation des agents de sécurité. La société participe également aux foires d’emploi et travaille avec les collèges communautaires afin de générer de l’enthousiasme pour la profession.
G4S essaie en outre de mieux faire connaître le rôle de l’agent de sécurité qui, de plus en plus, est davantage un premier répondant qu’un gardien de nuit. « Nous avons recentré nos services. Initialement, nous soutenions principalement les opérations dans des secteurs ou la sécurité est non essentielle, tandis que maintenant, nous œuvrons davantage dans des secteurs ou elle est primordiale, comme les banques, les pétrolières et les propriétés commerciales, a ajouté M. Taillon. Nos services sont beaucoup plus respectés qu’ils l’étaient et les attentes relativement à la façon dont nous les fournissons sont également plus élevées. » M. Taillon a également précisé que les clients exigent des ententes sur les niveaux de service.
Cette entreprise a créé de nouvelles classes d’agent de sécurité. Par exemple, la classe « risque élevé » nécessite des agents spécialement formés pour travailler dans des endroits plus dangereux comme les salles d’urgence d’hôpital. Ces agents suivent également des formations sur le recours à la force et le secourisme. Ainsi, si une personne se présentait avec des blessures causées par des coups de couteau, l’agent de sécurité pourrait être le premier intervenant à prodiguer les premiers soins et à obtenir des renseignements utiles pour la police.
Le secteur des ressources naturelles, comme les mines, le pétrole et le gaz, est un autre exemple de secteur nécessitant des intervenants spécialement formés. « Il faut quasiment être un pompier pour travailler sur ces sites », a expliqué M. Taillon. En plus de leur formation régulière, les agents de sécurité doivent suivre des formations spéciales sur les incendies et les explosions.
Néanmoins, l’un des plus grands défis demeure la fidélisation des agents. Il y a trois entités qui cherchent à nouer des liens de loyauté : le client, le syndicat et l’entreprise. Dans la plupart des cas, la loyauté envers le syndicat ne pose aucun problème puisqu’il s’agit typiquement d’une relation harmonieuse, a précisé Dwayne Gulsfby, président de Securitas Canada. « Le plus grand défi cependant est l’établissement de liens de loyauté entre l’entreprise et le client. Il est essentiel de trouver le juste milieu de façon à fidéliser le client tout en veillant à ce qu’il soit pleinement conscient de notre entreprise. »
En tant qu’employeur d’agents de sécurité, il est parfois plus difficile de fidéliser les employés parce qu’ils ne viennent pas au bureau chaque jour. Ils passent la majeure partie de leur temps sur les sites des clients, ce qui crée une certaine ambiguïté quant à qui accorder leur loyauté.
Securitas a établi des programmes de primes pour aborder ce problème. L’entreprise remet des prix d’ancienneté et des récompenses (comme des cartes-cadeaux Tim Hortons de 10 $) pour souligner les réalisations des employés. Son programme de reconnaissance le plus populaire cependant est la nomination d’un agent du mois et d’un agent de l’année en récompense de la bravoure et du rendement supérieur. Securitas a également investi dans la mise en place d’un système de gestion de l’apprentissage afin de maintenir des programmes permanents de formation qui peuvent être adaptés aux besoins particuliers de chaque client.
Du côté de l’Ontario et du Québec, les nouvelles exigences concernant les permis ont eu d’importantes répercussions. « C’est toujours la même chose quand on implante une nouveauté ou des changements ; les gens s’agitent comme des poules décapitées, a précisé M. Gulsby. Mais, les choses finissent toujours par se calmer et s’inscrivent dans la routine. »
Il souligne également que l’industrie devra éventuellement faire preuve d’un peu plus de créativité. À l’heure actuelle, les clients lancent des appels d’offres pour quelques agents de sécurité. Les fournisseurs répondent à ces appels en citant des prix, en rencontrant les demandeurs et en suivant les protocoles établis. « D’après moi, cette façon de faire va changer, soit parce que les clients le veulent ou parce que l’industrie même l’exigera sous l’effet, du moins partiellement, des pressions économiques », a précisé M. Gulsby.
Cela signifie qu’il faudra trouver des moyens d’intégrer de nouvelles capacités, des technologies plus modernes et des services mobiles à une solution globale, tout en maintenant ou en réduisant les coûts du client, et ce, sans compromettre l’intégrité du programme de sécurité, a-t-il précisé.
À plus long terme, il prévoit que la sécurité privée intègre le secteur des services correctionnels à l’instar des États-Unis et du Royaume-Uni. Par ailleurs, il estime qu’une certaine portion des fonctions policières secondaires pourrait également être impartie. « En fin de compte, ces options se traduisent par des économies pour les gouvernements et les contribuables », a conclu M. Gulsby.
Prenons l’exemple de Toronto, il y a eu plusieurs grands événements au cours des dernières années où l’appui supplémentaire d’agents de sécurité privée auraient été très utile (grève des éboueurs, crise H1N1, G20, G8, fusillade au Centre Eaton, etc.). De surcroît, plus la population augmente, plus les propriétaires fonciers et le public s’inquiètent, a précisé M. Taillon, et la police n’est pas en mesure de tout faire.
Par ailleurs, autant M. Gulsby croit que la technologie aura un impact sur l’industrie – soit sous l’effet des pressions économiques ou des capacités accrues des outils technologiques – autant il croit que l’interaction humaine sera toujours essentielle. « Je crois qu’à l’avenir les clients chercheront une approche de sécurité globale plutôt que d’un seul gardien à la porte en tout temps », a-t-il ajouté.
« L’époque du gardien solitaire à l’entrée est révolue – nous surveillons maintenant l’étage entier, le bâtiment de fond en comble, et même plusieurs bâtiments en même temps grâce à différents moyens technologiques », a expliqué M. Guindon. Il ne croit pas non plus que la technologie remplacera les agents ; il croit plutôt qu’elle rehaussera la sécurité globale. Nous aurons toujours besoin d’un agent de sécurité pour manier les équipements technologiques et d’un être humain pour effectuer les vérifications physiques et intervenir au besoin.
La technologie affecte également les processus de recrutement et d’embauche. « Il est essentiel de recruter des employés qu’on peut former sur les procédés technologiques, a expliqué M. Guindon. Une entreprise qui ne paie pas plus que le salaire minimum n’attirera pas les meilleurs candidats et ne réussira certainement pas à les retenir. »
Vawn Himmelsbach est un journaliste pigiste à Toronto.
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